Cover102La jeunesse éternelle?

On dit parfois qu’on commence à vieillir le jour de notre naissance. Cette boutade contient une vérité objective. Une trajectoire de vie est un parcours d’apprentissage et d’adaptation aux évolutions de son milieu. Ce constat vaut aussi pour les institutions et les organisations, qui naissent de la cristallisation de rêves, de volontés (collectives et individuelles), en leur donnant visibilité, stabilité et capacité d’action. Le philosophe Cornelius Castoriadis s’est penché sur ces processus qu’il appelait « instituants », présents dans toutes les sociétés et à toutes les époques. Parfois ces créations sociales dépassent les impulsions initiales, développent une existence propre ; et sont confrontées à des enjeux de survie et de recherche de sens.

Une question se pose souvent : est-ce mieux de transformer une institution qui vieillit ou d’en créer une toute nouvelle ? Selon le cybernéticien Heinz von Foerster, une question est bonne si elle n’a pas de réponse, car elle sera la source de nouvelles réflexions et de nouveaux efforts de recherche. Parfois, les institutions deviennent inadaptées, obsolètes, conservatrices, bureaucratisées ; elles peuvent se développer dans un sens opposé à celui d’origine. Et cela malgré le fait que les problèmes liés à cette création sont toujours présents, parfois même aggravés. Ou malgré que les finalités initiales, des objectifs de justice, d’égalité, d’émancipation sont encore plus pertinents que par le passé. Faut-il des nouvelles institutions ou peut-on espérer que les inerties et les routines cumulées ne nous empêchent pas de revitaliser une institution existante ? Cette bonne question nous stimule à réfléchir et être créatif. Toutefois il arrive que les conditions environnementales rendent la recherche d’une réponse plus urgente, au risque de voir mourir l’institution sans avoir construit d’alternatives.

Esperluette 102 - Octobre/Novembre/Décembre 2019

Cover101BISPlus chaud que le climat !

L’été qui vient de se terminer n’a pas été chaud seulement d’un point de vue climatique. Les mobilisations se succèdent aux quatre coins de la planète, de Moscou à Hong Kong, du Brésil à l’Algérie. À plus petite échelle, nous assistons aux luttes exemplaires du personnel infirmier, des livreur.euse.s de repas ainsi que des travailleur.euse.s d’Amazon. Des luttes dont l’origine est très variée – la violence patriarcale, l’exploitation du travail et des ressources naturelles, la violence étatique – mais qui, dans leur diversité, mettent en évidence quelques éléments qu’il vaut la peine de signaler.
La phase actuelle du capitalisme met sérieusement en péril la capacité de l’humanité à se reproduire : l’épuisement des ressources naturelles et le réchauffement climatique affectent directement les conditions physiques de la vie ; les politiques d’austérité – c’est-à-dire la réduction des financements des services publics et de la Sécurité sociale – creusent les inégalités et transfèrent le cout et la charge de la reproduction sur les individus et plus particulièrement sur les femmes. Côté travail, on assiste à la diffusion de contrats atypiques (qui réduisent les droits et la protection des salarié.e.s), à la précarisation des emplois, à une exploitation forcenée – toutes des modalités qui épuisent travailleur.euse.s, et limitent le temps et les énergies disponibles pour la reproduction et l’épanouissement.
Esper100

Tout ce qui ne se régénère pas dégénère


La préface de l’ouvrage d’Edgar Morin, Enseigner à vivre, que j’ai eue l’occasion de lire en 2016 suite à une journée de recyclage ISCO, nous invite à cette réflexion : « Lions inséparablement la formule de Hans Jonas sur la planète dégradée que nous laisserons à nos enfants et la formule de Jaime Semprun s’inquiétant des carences de notre éducation : « quelle planète allons-nous laisser à nos enfants ? » et « À quels enfants allons-nous laisser le monde ? ».

Mai 2019. En préparation de cet édito, je ré-ouvre ce petit livre rouge juste avant de refermer la page d’un grand bout de ma vie professionnelle au CIEP. Je relis ces quelques phrases et je me dis, amusée, que sans le savoir Edgar Morin a mis à l’époque en mots le trait d’union que je m’apprête à dessiner au pied du chemin. Pendant presque 17 ans je me suis engagée dans un mouvement unique et essentiel qui cherche sans relâche à participer à la construction d’une société juste, égalitaire, solidaire, reconnaissant et soutenant l’émancipation collective et individuelle. Demain, je souhaite contribuer à ma mesure comme institutrice à faire de l’institution scolaire un lieu réellement démocratique d’ouverture et d’inclusion.
Esperluette 100 (Avril/Mai/Juin 2019)

 

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