115EsperComme un caillou dans la chaussure…

Ce numéro printanier de L’Esperluette nous emmène à la rencontre d’un penseur extrêmement fécond et pourtant longtemps méconnu du grand public : Bruno Latour, qui fut à la fois sociologue, anthropologue, théologien et philosophe des sciences. Décédé en octobre dernier, il est notamment l’un des penseurs de la théorie de l’« acteur-réseau ». L’originalité de cette théorie est la prise en compte dans l’analyse du fait social non seulement des humains mais aussi des « non-humains » (les objets, les techniques, les lieux…) en tant qu’acteurs (ou actants), deux catégories qui sont généralement conçues comme distinctes et séparées et qui, dans cette théorie, sont considérées au contraire comme interagissant dans les dynamiques sociales.

Si à ce stade, vous vous sentez déjà perplexe, sachez que c’est une excellente nouvelle : après tout, rien de tel que de se laisser parfois déboussoler pour découvrir et prospecter de nouveaux sentiers ! Bruno Latour a commencé à être connu du grand public surtout après la parution en 2017 de Où atterrir ? Reliant mondialisation, crise écologique et hausse des inégalités, il invite ses lecteur⋅rices, méthode à l’appui, à se positionner dans le camp de celles et ceux qui voudront préserver l’habitabilité de la terre plutôt que dans le camp des pratiquant∙es de la fuite en avant, « hors sol », en atterrissant.  Dans son article, Gérard Pirotton pose une série de repères sur ce sentier, en exposant quelques pierres d’angle de l’ouvrage, et revient notamment sur la remise en cause que fait l’auteur de la distinction entre Culture et Nature, et des implications radicales qu’il en retire.

Esperluette 115 : Janvier/Février/Mars 2023

Esper114Supprimer le statut de cohabitant·es : on a tout à y gagner !

C’est parti ! Le 18 novembre dernier a eu lieu la journée de lancement de la campagne pour la suppression du statut de cohabitant·e. Portée conjointement par PAC (Présence et action culturelle) et le CIEP du MOC, cette campagne s’inscrit dans une longue filiation de luttes contre ce statut injuste et discriminant. Elles ont commencé dès son instauration, dans les années 1980, à l’initiative des organisations féministes, car les femmes en ont été les principales victimes, du moment qu’elles vivaient en cohabitation. Au fil du temps, d’autres mouvements ont à leur tour réclamé la fin de ce statut : syndicats, Ligue des Familles, Réseau wallon de lutte contre la pauvreté…

Malgré les efforts, malgré les témoignages illustrant ses nombreux effets iniques, malgré les relais politiques existants, malgré les recours en justice qui donnent souvent raison aux plaignant·es, le statut de cohabitant·e persiste, résidu archaïque d’une époque patriarcale inséré au carrefour de plusieurs branches de la Sécurité sociale et de l’aide sociale.

Depuis la pandémie de Covid-19, une brèche significative s’est produite : l’application de ce statut a été suspendue une première fois durant les confinements ; puis une deuxième fois pour permettre l’hébergement d’urgence des victimes des inondations de l’été 2021 ; et une nouvelle fois pour soutenir l’accueil chez les particuliers des réfugié·es d’Ukraine.

Esperluette 114 : Octobre/Novembre/Décembre 2022

Esper113Quand les archives rencontrent la démocratie...

2006 : la libéralisation des secteurs du gaz et de l’électricité approche. Selon l’UE, ce sera bon pour les prix, pour l’emploi, pour la transition.  Aux Équipes populaires, des militant·es racontent qu’on leur a proposé en rue un contrat de fourniture « sinon, vous serez bientôt coupé·es, cartout va changer ». Oui, tout va changer, et il est temps de l’appréhender ! Des organisations sociales diverses s’unissent alors pour fonder le Réseau wallon pour l’accès durable à l’énergie (RWADE) afin de co-construire une expertise, une parole politique et une représentation des consommateur·rices sur ces questions complexes.  

Avec la libéralisation, nous ne sommes plus usager·ères d’un réseau collectif, mais « client·es éligibles » sensé·es « s’activer » sur le marché, en s’escrimant à repérer, parmi des offres toujours plus complexes et opaques, le meilleur contrat de fourniture. La politique énergétique devient affaire de marchés et l’énergie, un bien de première nécessité, est traitée comme une marchandise.  Les prix, jusque-là lissés sur une année et objet d’une concertation paritaire, deviennent volatiles. Sous prétexte de lutter contre l’endettement des ménages, la Wallonie et la Flandre imposent le compteur à budget aux personnes en défaut de paiement, renvoyant la responsabilité de la coupure à la sphère privée : pas d’argent ? Pas de courant ! On ne saluera jamais assez le résultat des efforts de la Coordination Gaz-Électricité-Eau de Bruxelles (CGÉE) qui a largement contribué à faire adopter une bien meilleure protection pour la population bruxelloise.  Il apparait bientôt que la libéralisation est un échec pour les ménages. Mais qui pouvait sérieusement croire que confier l’énergie au marché allait résoudre les problèmes ?  

Esperluette 113 : Juillet/Août/Septembre 2022

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