Esper120jpgDémocratie en action : dans ma commune aussi !

Le coup de barre donné à droite lors du scrutin du 9 juin dernier laisse un gout amer. Il inquiète d’autant plus les forces de gauche que la campagne électorale a plus d’une fois illustré une porosité entre droite et extrême droite : rejet de l’immigration, discrédit jeté sur les corps intermédiaires... Le dossier de ce numéro de L’Esperluette fait le point sur les caractéristiques propres à l’idéologie de l’extrême droite, s’intéressant notamment à ses nombreuses va[1]riantes actuelles et à ses développements en Belgique. Parce qu’il est indispensable de s’outiller pour comprendre ce qui se passe un peu partout en Europe et dans le monde. Dans cet éditorial, nous voulons évoquer la prochaine campagne du CIEP, qui concernera les élections communales et provinciales. Et par là, souligner ce que nous observons depuis nos terrains d’action : d’un côté, une lassitude et une méfiance croissante vis-à-vis des institutions démocratiques ; de l’autre côté, un réel désir de participation et de démocratie. Cette campagne de sensibilisation porte ce message : la démocratie, cela commence dès le moment où quelques personnes se rassemblent et s’organisent pour améliorer quelque chose et pousser leurs élu·es à les entendre. Le parcours qu’elles feront sera aussi important que le résultat, car il est fondateur d’une puissance d’agir dont nous avons toutes et tous besoin pour nous sentir partie prenante d’une société.

Esperluette n°120 -  Avril/Mai/Juin 2024

Esper119Tirons nos propres cartes!

Un des grands mystères de la ville est celui des logements inoccupés. Voilà des décennies que des fourchettes invérifiables sont évoquées : la Wallonie compterait entre 15 et 30.000 logements vides ; Bruxelles aurait pas moins de 35.000 appartements inoccupés et si l’on rassemblait cette vacance immobilière sur un territoire, cela formerait une 20e commune dans la Région de Bruxelles-Capitale. Comme l’inventaire établi par les communes reste chose rare et que chacune y va de ses propres méthodes de recensement, allez donc savoir. Il y a quelques années, un groupe des Équipes populaires basé à Anderlecht a inventorié les logements vides de leur commune. Ce fut ma première expérience d’une cartographie militante, qui a lancé ce groupe dans une quête à la fois passionnante et minutieuse, pleine de questionnements et de rencontres. Des questionnements d’abord : quels sont les indicateurs pertinents à mobiliser pour s’assurer qu’un logement est réellement vide ? Comment vérifier s’il est privé ou public ? Est-il inoccupé temporairement, entre deux locations, ou laissé sciemment à l’abandon ? Même laissé à l’abandon, qui dit qu’il n’est pas occupé par des personnes qui n’ont trouvé nulle part ailleurs où se loger et qu’il serait bien inopportun de fragiliser ? Des rencontres ensuite : avec des voisin·es, des squatteur·es, des échevin·es et des administrations, des associations et des militant·es. Des découvertes aussi : c’est le propre d’une cartographie que de susciter l’émergence de toutes sortes de savoirs humains laissés jusqu’alors plus ou moins ignorés, invisibles, comme celui des multiples usages que les habitant·es d’un quartier peuvent faire d’un espace public ou d’un logement abandonné. Tels ces deux adolescents pas franchement heureux de voir notre groupe de cartographes s’intéresser d’un peu trop près à une bâtisse croulante qui leur servait de merveilleux et secret terrain d’exploration, d’escalade et de cachettes. Allait-on les en priver ?

Esperluette n°119 Janvier/Février/Mars 2024

Esper118Quelle culture collective à l’ère de l’économie de plateformes ?

Ils sont une vingtaine, regroupés à la porte de Namur, dans le haut de la chaussée d’Ixelles à Bruxelles. Un pied sur la pédale de leur vélo, ils attendent, les yeux rivés sur l’écran de leur smartphone. Certains, qui semblent se connaitre, échangent quelques mots. Mais ils n’entament pas de conversation, ce serait trop risqué : dans une seconde, peut-être, une alerte sur le téléphone indiquera une commande et il n’y aura que quelques secondes pour signifier qu’on la prend. Alors, pas question de se laisser distraire. D’ailleurs, l’autre qui attend aussi n’est pas tant un collègue qu’un concurrent. Pour tous ces jeunes hommes, dans le froid de ce samedi soir de décembre, le temps d’attente incertain sur ce bout de trottoir est entièrement capté par la mission professionnelle. Ce temps ne sera pourtant pas rétribué. Le salaire est à la tâche. D’ailleurs ce n’est pas un salaire : ces travailleurs sont déclarés indépendants. Ils n’ont pas d’emploi, ils n’ont qu’un travail. Ils n’ont pas d’employeur physique, mais s’inscrivent sur une bourse du travail digitale et les instructions à suivre sont envoyées, pas à pas, via une plateforme. En cas de problème, il faut passer par un chatbot (un assistant numérique). Le vélo et le smartphone sont leurs outils de travail principaux. Mais ils les ont achetés eux-mêmes. « Ils », vous l’aurez compris, ce sont les livreurs. Pour Deliveroo, Takeaway ou Uber… Une fois leur mission attribuée, ils croiseront un restaurateur, un client, en chair et en os. Mais vite ! Puisqu’ils sont évalués sur leur rapidité d’exécution et payés à la tâche. Et le paiement à la tâche, le capitalisme l’a toujours bien compris c’est « le moyen d’assurer l’obéissance du travailleur à la machine ». Martin Willems, responsable national de United Freelancers (UF) à la CSC, l’a rappelé dans une journée d’étude de la FTU et du CIEP consacrée à la numérisation de la société. UF est le syndicat pour les Freelancers, travailleurs de plateformes ou indépendants sans personnel.

Esperluette 118 : Octobre/Novembre/Décembre 2023

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