Esper119Femmes et institutions : écouter les femmes et instituer le dialogue

Collaboration intergénérationnelle en Afrique centrale

Tirons nos propres cartes!

Un des grands mystères de la ville est celui des logements inoccupés. Voilà des décennies que des fourchettes invérifiables sont évoquées : la Wallonie compterait entre 15 et 30.000 logements vides ; Bruxelles aurait pas moins de 35.000 appartements inoccupés et si l’on rassemblait cette vacance immobilière sur un territoire, cela formerait une 20e commune dans la Région de Bruxelles-Capitale. Comme l’inventaire établi par les communes reste chose rare et que chacune y va de ses propres méthodes de recensement, allez donc savoir. Il y a quelques années, un groupe des Équipes populaires basé à Anderlecht a inventorié les logements vides de leur commune. Ce fut ma première expérience d’une cartographie militante, qui a lancé ce groupe dans une quête à la fois passionnante et minutieuse, pleine de questionnements et de rencontres. Des questionnements d’abord : quels sont les indicateurs pertinents à mobiliser pour s’assurer qu’un logement est réellement vide ? Comment vérifier s’il est privé ou public ? Est-il inoccupé temporairement, entre deux locations, ou laissé sciemment à l’abandon ? Même laissé à l’abandon, qui dit qu’il n’est pas occupé par des personnes qui n’ont trouvé nulle part ailleurs où se loger et qu’il serait bien inopportun de fragiliser ? Des rencontres ensuite : avec des voisin·es, des squatteur·es, des échevin·es et des administrations, des associations et des militant·es. Des découvertes aussi : c’est le propre d’une cartographie que de susciter l’émergence de toutes sortes de savoirs humains laissés jusqu’alors plus ou moins ignorés, invisibles, comme celui des multiples usages que les habitant·es d’un quartier peuvent faire d’un espace public ou d’un logement abandonné. Tels ces deux adolescents pas franchement heureux de voir notre groupe de cartographes s’intéresser d’un peu trop près à une bâtisse croulante qui leur servait de merveilleux et secret terrain d’exploration, d’escalade et de cachettes. Allait-on les en priver ?

Esperluette n°119 Janvier/Février/Mars 2024

Esper118Quelle culture collective à l’ère de l’économie de plateformes ?

Ils sont une vingtaine, regroupés à la porte de Namur, dans le haut de la chaussée d’Ixelles à Bruxelles. Un pied sur la pédale de leur vélo, ils attendent, les yeux rivés sur l’écran de leur smartphone. Certains, qui semblent se connaitre, échangent quelques mots. Mais ils n’entament pas de conversation, ce serait trop risqué : dans une seconde, peut-être, une alerte sur le téléphone indiquera une commande et il n’y aura que quelques secondes pour signifier qu’on la prend. Alors, pas question de se laisser distraire. D’ailleurs, l’autre qui attend aussi n’est pas tant un collègue qu’un concurrent. Pour tous ces jeunes hommes, dans le froid de ce samedi soir de décembre, le temps d’attente incertain sur ce bout de trottoir est entièrement capté par la mission professionnelle. Ce temps ne sera pourtant pas rétribué. Le salaire est à la tâche. D’ailleurs ce n’est pas un salaire : ces travailleurs sont déclarés indépendants. Ils n’ont pas d’emploi, ils n’ont qu’un travail. Ils n’ont pas d’employeur physique, mais s’inscrivent sur une bourse du travail digitale et les instructions à suivre sont envoyées, pas à pas, via une plateforme. En cas de problème, il faut passer par un chatbot (un assistant numérique). Le vélo et le smartphone sont leurs outils de travail principaux. Mais ils les ont achetés eux-mêmes. « Ils », vous l’aurez compris, ce sont les livreurs. Pour Deliveroo, Takeaway ou Uber… Une fois leur mission attribuée, ils croiseront un restaurateur, un client, en chair et en os. Mais vite ! Puisqu’ils sont évalués sur leur rapidité d’exécution et payés à la tâche. Et le paiement à la tâche, le capitalisme l’a toujours bien compris c’est « le moyen d’assurer l’obéissance du travailleur à la machine ». Martin Willems, responsable national de United Freelancers (UF) à la CSC, l’a rappelé dans une journée d’étude de la FTU et du CIEP consacrée à la numérisation de la société. UF est le syndicat pour les Freelancers, travailleurs de plateformes ou indépendants sans personnel.

Esperluette 118 : Octobre/Novembre/Décembre 2023

Esper117Pour un MOC post-capitaliste avant-gardiste et internationaliste

Ce samedi 9 septembre 2023 10h00, plus un siège n’est libre dans l’auditoire du CEME de Charleroi : le MOC tient un Congrès stratégique. Douze ans plus tôt, des options fondamentales ont été adoptées dont la lutte pour l’égalité avec la triple grille de dominations raciste, patriarcale et capitaliste comme outil d’analyse des inégalités.  Cette fois, il s’agit de choisir avec quelles stratégies mettre en œuvre ces options dans un contexte qui a profondément changé : en particulier, la révolution numérique et l’urgence écologique se sont imposées. Les classes populaires en subissent les effets combinés aux inégalités déjà existantes.

Un Congrès, c’est avant tout un processus démocratique qui aboutit à des orientations votées par la plus haute autorité du Mouvement, qui rassemble les mandataires de toutes les composantes du MOC : les organisations et les fédérations. Ce processus a commencé deux ans plus tôt par une phase participative, avec à l’esprit deux questions clés : « vers où ? » et « à partir d’où ? » construire nos chemins d’actions. Quelque 230 groupes y ont pris part. Un premier texte a été rédigé, qui a été débattu dans les composantes.  Une seconde version en est sortie, puis ce fut la phase d’amendements. Ce sont ces amendements puis une version globale du texte qui ont été votés ce samedi. Que dit ce texte en substance ?

Esperluette 117 : Juillet/Aout/Septembre 2023

Esper116Accueil des demandeurs et demandeuses d’asile : un déni de droit et une mise à mal de l’État de droit

Comment ouvrir cet article d’introduction sans mentionner l’actualité belge et le sort des demandeur.euses d’asile qui occupent des lieux vides au cœur de Bruxelles, ici le futur centre national de crise, là un bâtiment rue de la Loi, voisin du siège du CD&V, le parti de la secrétaire d’État à l’Asile et la Migration ? La crise de l’accueil que la Belgique traverse depuis près de deux ans constitue un événement marquant et révélateur des enjeux actuels en matière de migrations, aux niveaux national et européen. Pour comprendre ces enjeux, précisons d’emblée que le simplisme n’est pas de mise. Les migrations, comme les réponses politiques aux enjeux qu’elles posent, sont complexes et diversifiées.

Esperluette n°116 - Avril/Mai/Juin 2023

115EsperComme un caillou dans la chaussure…

Ce numéro printanier de L’Esperluette nous emmène à la rencontre d’un penseur extrêmement fécond et pourtant longtemps méconnu du grand public : Bruno Latour, qui fut à la fois sociologue, anthropologue, théologien et philosophe des sciences. Décédé en octobre dernier, il est notamment l’un des penseurs de la théorie de l’« acteur-réseau ». L’originalité de cette théorie est la prise en compte dans l’analyse du fait social non seulement des humains mais aussi des « non-humains » (les objets, les techniques, les lieux…) en tant qu’acteurs (ou actants), deux catégories qui sont généralement conçues comme distinctes et séparées et qui, dans cette théorie, sont considérées au contraire comme interagissant dans les dynamiques sociales.

Si à ce stade, vous vous sentez déjà perplexe, sachez que c’est une excellente nouvelle : après tout, rien de tel que de se laisser parfois déboussoler pour découvrir et prospecter de nouveaux sentiers ! Bruno Latour a commencé à être connu du grand public surtout après la parution en 2017 de Où atterrir ? Reliant mondialisation, crise écologique et hausse des inégalités, il invite ses lecteur⋅rices, méthode à l’appui, à se positionner dans le camp de celles et ceux qui voudront préserver l’habitabilité de la terre plutôt que dans le camp des pratiquant∙es de la fuite en avant, « hors sol », en atterrissant.  Dans son article, Gérard Pirotton pose une série de repères sur ce sentier, en exposant quelques pierres d’angle de l’ouvrage, et revient notamment sur la remise en cause que fait l’auteur de la distinction entre Culture et Nature, et des implications radicales qu’il en retire.

Esperluette 115 : Janvier/Février/Mars 2023

Esper114Supprimer le statut de cohabitant·es : on a tout à y gagner !

C’est parti ! Le 18 novembre dernier a eu lieu la journée de lancement de la campagne pour la suppression du statut de cohabitant·e. Portée conjointement par PAC (Présence et action culturelle) et le CIEP du MOC, cette campagne s’inscrit dans une longue filiation de luttes contre ce statut injuste et discriminant. Elles ont commencé dès son instauration, dans les années 1980, à l’initiative des organisations féministes, car les femmes en ont été les principales victimes, du moment qu’elles vivaient en cohabitation. Au fil du temps, d’autres mouvements ont à leur tour réclamé la fin de ce statut : syndicats, Ligue des Familles, Réseau wallon de lutte contre la pauvreté…

Malgré les efforts, malgré les témoignages illustrant ses nombreux effets iniques, malgré les relais politiques existants, malgré les recours en justice qui donnent souvent raison aux plaignant·es, le statut de cohabitant·e persiste, résidu archaïque d’une époque patriarcale inséré au carrefour de plusieurs branches de la Sécurité sociale et de l’aide sociale.

Depuis la pandémie de Covid-19, une brèche significative s’est produite : l’application de ce statut a été suspendue une première fois durant les confinements ; puis une deuxième fois pour permettre l’hébergement d’urgence des victimes des inondations de l’été 2021 ; et une nouvelle fois pour soutenir l’accueil chez les particuliers des réfugié·es d’Ukraine.

Esperluette 114 : Octobre/Novembre/Décembre 2022

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