Esper84Pourquoi désobéir en démocratie ?

Cette question n’est pas seulement le titre d’un ouvrage récent qui fait dialoguer un sociologue et une philosophe; elle résume, brièvement mais clairement, ce qui a motivé notre réflexion au CIEP ces derniers mois. Peut-on, en tant que mouvement social, reconnaitre une forme de légitimité aux pratiques de désobéissance civile? Au nom de quoi? Et comment ces modes d’action trouvent-ils écho dans nos structures associatives? Tout d’abord, coupons le cou aux idées reçues: la désobéissance civile n’est pas le joyau de mouvements anarchistes et extrémistes. Cette modalité d’action se veut profondément non-violente. Quelques exemples chez nous: les faucheurs volontaires d’OGM à Fernelmont, la mise en place de jeux olympiques «Déjouons la STIB» par des Homostibiens2, le refus de travailleurs sociaux ou d’associations de pister les demandeurs d’emploi, le récent déploiement par Greenpeace d’une banderole sur une des tours de la centrale nucléaire de Tihange, etc. Toutes ces pratiques font écho d’un pacifisme fort qui va même jusqu’à mettre les activistes en situation de grande vulnérabilité face aux forces de l’ordre. Pensons, par exemple, à ces collectifs comme les Femen qui se laissent enchainer, emmener et détenir par la police. On est donc bien loin d’un mouvement radical, agressif et violent. Ces militants agissent en portant chacun la responsabilité de leurs actes et cet engagement singulier ne peut se vivre qu’au nom, selon eux, de revendications hautement légitimes pour l’ensemble de l’Humanité.
Esperluette n°84 (Avril/Mai/Juin 2015)

Esper83Les raisons du sujet personnel et de l’acteur collectif

 
En tant que science des relations sociales, la sociologie a pour objet de découvrir les raisons des conduites humaines en analysant les relations que les individus et les groupes entretiennent entre eux. La pratique des relations sociales ne détermine jamais totalement leurs conduites. Elle les conditionne de différentes manières:
• en leur imposant des contraintes externes: des manières de se conduire culturellement légitimées et socialement approuvées, et d’autres qui ne le sont pas et sont alors sanctionnées;
• en leur proposant des dispositions à agir: des intérêts, des valeurs, des traditions et des affects, qu’ils apprennent à valoriser;
• en forgeant leur conscience individuelle et collective: ils apprennent à agir sur eux-mêmes pour (di)gérer les contraintes externes et construire leurs dispositions à agir.
 

Esper82Alinsky et la Belgique de 2014 : un contexte assez similaire

Le 6 novembre, à l’initiative du front commun syndical, 125.000 personnes battaient le pavé à Bruxelles contre la politique du Gouvernement Michel 1er. Toutefois, la mobilisation différait des mobilisations syndicales traditionnelles par au moins deux aspects. Premièrement, par son ampleur: 125.000 personnes, c’est un chiffre qui n’avait plus été atteint pour une manifestation contre un gouvernement depuis la manifestation de mai 1986, contre les mesures d’austérité décidées par le Gouvernement Martens-Gol lors du conclave de Val-Duchesse. Deuxièmement, par sa diversité: le 6 novembre 2014 était une manifestation à l’initiative des syndicats, mais n’était pas une manifestation seulement syndicale. Pour beaucoup de manifestants, il s’agissait d’une première manifestation. Dans la foule, des jeunes et de nombreuses associations culturelles et sociales qui élargissaient les mots d’ordre syndicaux pour appeler à construire une société plus tolérante, plus sociale, plus démocratique, qui n’est possible qu’avec un retrait du plan du gouvernement.

Esperluette n°82 (Octobre/Novembre/Décembre 2014)

 

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